Litainé Laguerre publie son premier roman, Titanik 16, un récit poignant de 310 pages sur la vie derrière les barreaux, chez Porta Édition. Le jeune écrivain d’expression créole y dépeint les couloirs sombres du Pénitencier national, un espace censé réhabiliter les détenus, mais devenu, souvent, un couloir fatal.
Il s’agit de son troisième ouvrage, après les recueils Devwa Afwontman, paru chez C3 Édition, et Alelouya Desalin, une litanie dans laquelle le poète voue un culte fulgurant à Dessalines, père de l’indépendance haïtienne, qu’il considère comme son Dieu – “Bondye”-. Cette œuvre a été saluée par le prix international de l’invention poétique de l’association Balisaille. Titanik 16, son récit inédit, s’intéresse à une autre réalité : la vie carcérale.
« Penitansye ! Ban m ti kal nan sa w pran nan mwen », crie le personnage principal, Tiga, racontant son quotidien dans son journal intime depuis sa cellule, pas très différente de Titanik 16, une autre cellule où l’on isole les prisonniers les plus dangereux, avec le même degré de brutalité.
« Se pa yon selil pou moun. Dayè, penitansye pa yon prizon pou moun. » Décrit comme un enfer, Titanik 16 est la cellule où Tiga ne rêve pas de s’aventurer. Pourtant, la violence qui y règne est à peine plus brutale que celle qui l’entoure, dans l’inertie du temps, son plus grand tourment.
Poète dans l’âme, Litainé Laguerre invite ses lecteurs à faire l’expérience de l’incarcération à travers un récit empreint de poésie, qui retrace la réalité récente du plus grand centre carcéral du pays.
Le texte, marqué par un style lyrique et une puissance évocatrice, raconte l’existence sourde de Tiga, enfermé dans le lourd silence des cellules surpeuplées, en vrac, à l’image de son état d’esprit.
Complainte de l’existence et crise d’identité
Le récit aborde des thèmes variés : la crise identitaire, l’existence aberrante, l’injustice sociale, la violation des droits humains et la fuite du temps. Ces thèmes hantent le narrateur, Tiga, qui tente d’archiver ses tourments, ses silences, ses cris étouffés. Écrasé par le poids du temps, il se perd, se confond avec lui-même.
« Djwama avèk Tiga, se de idantite pou yon sèl reyalite. De non, de reyalite. Non. Se pa vre. Yon non, yon reyalite. De non, de reyalite. »
Entre le « fédéral » qu’il est devenu et le « civil » qu’il était avant, Tiga, ou Djwama, tente de conserver ses souvenirs d’enfance, son amour pour Bèlin qui lui rend visite dans ce lieu mangeur d’espoir.
On découvre les visages oubliés, ainsi que les magouilles qui caractérisent le système carcéral. Le journal de Tiga recèle les soupirs des prisonniers, les brutalités et l’injustice qu’ils subissent, et surtout, l’effort du héros pour laisser une trace de son expérience en écrivant, jusqu’à ce qu’il n’ait plus de papier, malgré le désespoir qui le ronge.
Titanik 16 à la 31e édition de Livres en folie
En 2022, Litainé Laguerre s’était présenté à la 28e édition de Livres en folie avec Devwa Afwontman, un recueil de poèmes de 42 pages dédié à sa commune natale, Cité-Soleil, quartier en proie à une violence récurrente. Le poète y livrait une fresque vibrante, profondément ancrée dans la réalité de ce lieu oublié dans son calvaire.
Dans la même veine, Titanik 16 offre un regard lucide et cru, dans un langage poétique, sur le fonctionnement interne des prisons. Le roman sera présenté à la 31e édition de Livres en folie, le 19 juin prochain.