Les présumés impliqués dans l’assassinat du président Jovenel Moïse, Jean Laguel Civil et Dimitri Herald, se sont évadés du centre pénitencier national parmi les 3 597 détenus lors des assauts de la coalition des gangs armés dans la nuit du 2 au 3 mars. Selon le Collectif des Avocats pour la Défense des Droits de l’Homme (CADDHO), sur les 3 696 prisonniers, seulement 99 ne se sont pas évadés, parmi eux les mercenaires colombiens, principaux assassins du 58e président d’Haïti.
Les principaux suspects : Jean Laguel Civil, ex-coordonateur général de la sécurité présidentielle et Dimitri Herald, ex- commissaire, ancien chef de l’unité de la sécurité générale du palais national (USGPN), se sont évadés parmi les 3597 détenus qui logeaient le centre pénitentiaire national, alors que des présumés impliqués dont Joseph Félix Badio, suspect clé qui aurait fermenté l’opération assassine en permettant de recueillir des informations cruciales sur les circonstances entourant l’assassinat du président et des anciens soldats colombiens accusés d’avoir travaillé comme mercenaires dans cette affaire, n’ont pas pris la fuite lors de l’assaut des gangs à la prison.
Le responsable du Collectif des Avocats pour la Défense des Droits de l’Homme, Me Arnel Remy, avocat spécialisé en droit de la personne, défenseur de la situation carcérale des détenus, a informé sur le réseau social X qu’il n y a pas plus de 100 détenus derrière les barreaux sur un total d’environ 4 000 que comptait l’établissement pénitentiaire. Dans la nuit du 2 au 3 mars, la coalition des gangs armés « viv ansanm » qui contrôle plus 80 % de la capitale, a multiplié les assauts meurtriers sur des commissariats, le palais national et notamment les deux plus grands centres carcéraux du pays. Des bandits notoires ont pris la fuite ou ont été libérés par les bandits, au moins 30 cadavres ont été découverts tôt le dimanche 3 mars au environ de la prison.
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021, la justice haïtienne traîne le pas. Les présumés impliqués incarcérés à la prison civile de Port-au-Prince n’ont pas été déplacés en dépit des alertes sur la prison, convoitée par les groupes armés depuis peu.
Jean Laguel Civil et Dimitri Herald sont en cavale selon le dernier recensement, ainsi que plusieurs policiers indexés par la justice dans l’assassinat du président. Joseph Félix Badio et les anciens militaires colombiens accusés d’avoir été soldé pour mener l’assaut dans la résidence officielle du chef de l’État ont décidé de rester parmi le nombre insignifiant de détenus restants. Dans une vidéo qui tournait en boucle sur les réseaux sociaux, les mercenaires dans une grande panique demandaient de l’aide, leurs voix tremblantes déclarant que les autres détenus veulent leur utiliser y compris la police qui leur demande de fuir parce qu’il y a évasion, mais eux n’ont nulle part où aller, ils n’ont « rien fait ».
Un double assaut dans la même nuit du 2 au 3 mars
De la parole, la coalition armée a passé à l’acte par un double assaut au centre pénitencier national et la prison civile de Croix- des-Bouquets. Les bandits ont libéré massivement des prisonniers gardés pour kidnapping, meurtres et d’autres infractions graves. Le gouvernement qui a pris du temps pour réagir a déclaré que la police n’a pas pu empêcher les bandits de faire sortir un grand nombre de prisonniers. Pour l’heure, un bilan officiel des évasions à la prison civile de Croix-des-Bouquet se fait encore attendre, toutefois le centre est réputé pour une capacité d’accueil de 1 500 détenus.
Jimmy Chérizier, plus connu sous le nom de Barbecue, ancien policier devenu chef de file, se faisant porte-parole de la coalition des hommes armés, a revendiqué les attaques visant à faire tomber le Premier ministre Ariel Henry qui devrait rentrer de sa visite à Nairobi pour signer un accord avec le gouvernement kényan autorisant le déploiement de la mission multinationale d’appui à la sécurité pour mater les gangs.
Depuis le vendredi 1er mars, les chefs de file dans la coalition ont lancé un appel entre eux pour prendre le contrôle des centres pénitentiaires. Les hommes de main du chef de 5 secondes à Village de Dieu, ont pris le contrôle de la prison civile de Port-au-Prince et à la Croix-des-Bouquet, l’assaut a été sanglant par les hommes de main des chefs dans cette région.
Des commissariats, dans le viseur des groupes armés
À fond de cale, la police nationale semble dépasser par les événements. Les assaillants multiplient des assauts contre les postes de police, 4 agents de police dont une policière et un commissaire sont morts le jeudi 29 février. Le commissariat de Portail Léogâne et de Bon-Repos ont été incendiés peu avant l’attaque contre les prisons. La même journée du samedi 2 mars, le commissariat de Cabaret sur la route nationale numéro 1 a notamment été incendié, dans la soirée l’antenne de police au carrefour de Poste marchand a été abandonnée par les agents.
Les sous-commissariats de Delmas 3 et de Cazeau pillés, des succursales de banques commerciales dans la commune de la Croix-des-bouquet ont subi le même sort. Les postes de police ainsi que des bureaux administratifs ont encore subi la démonstration de force des groupes armés. La police réagit avec des lancements d’alertes. La base du brigade d’intervention motorisée (BIM) à clercine et la base du CIMO à bas-delmas ont été dans le viseur des gangs la même journée.
Le gouvernement promet de traquer les prisonniers en fuite
Dans une note sans seing parue sur le site du ministère de la Culture et de la Communication, le gouvernement de facto a salué le courage des policiers qui ont résisté à l’attaque de la coalition des gangs qui revendique tous les assauts au prix d’une révolution. « Cet assaut contre ces centres carcéraux a fait plusieurs blessés parmi les prisonniers et le personnel de l’Administration pénitentiaire » souligne le gouvernement dans cette note en appelant la population au calme et la prudence. Le gouvernement d’Ariel Henry a déclaré que la Police nationale mettra tout en œuvre pour traquer les prisonniers en fuite, arrêter les responsables des actes criminels et leurs complices.
Un peu plus tard dans la journée, le substitut d’Ariel Henry, Michel Patrick Boisvert, premier ministre par intérim à l’absence du PM de facto, notamment ministre de l’économie et des finances, a déclaré dans un arrêté le même dimanche 3 mars 2024, l’État d’urgence sur toute l’étendue du département de l’Ouest pour une période de 72 heures renouvelable, afin de rétablir l’ordre et de prendre les mesures appropriées dans le but de reprendre le contrôle de la situation, justifie-t-il, le gouvernement décrète un couvre-feu sur tout le territoire entre 6 heures du soir et 5 heures du matin, soient les lundi 4, mardi 5, mercredi 6 et le dimanche 3 mars 2024 de 8 heures du soir à 5 heures du matin.