Expulsés de la place Hugo Chavez le 17 novembre 2022, plusieurs dizaines des expulsés de la place Hugo Chavez ont trouvé refuge au centre d’accueil de delmas 3. Ils accusent la mairie de Tabarre d’être responsable de leur sort. 

Fuyant la guerre des gangs à Cité Soleil et dans d’autres quartiers en proie à la violence, plusieurs centaines de citoyens se sont réfugiés sur la place publique de Maïs-Gâté, non loin de l’aéroport international Toussaint Louverture, le 8 juillet 2022.  Quelques mois après leur installation, les autorités ont procédé à leur expulsion dans des conditions jugées infamantes.

Démunie, une partie importante de ces riverains se loge dans les ruines du centre d’accueil de delmas 3, depuis décembre 2022, oubliée par l’assistance de l’État. Abritée sous les ruines du centre d’accueil, leur situation socio-économique et sécuritaire n’a pas été améliorée dans ce lieu fracassé.

Récit d’un périple cauchemardesque à la veille de leur expulsion

«Le 17 Novembre 2022, il était 3h du matin, quand des agents ont pénétré l’enceinte de la place, les gens ont cru à des manœuvres d’aide ou pour les déplacer, pourtant c’était une expulsion qui allait aggraver notre à situation à nous tous » raconte Wilfritz Joseph qui se présent comme le leader des dizaines de déplacés au centre d’accueil. 

L’homme de dieu tient à détailler les évènements qui ont suivi leur expulsion sans en faire la chronologie. Les rescapés de la guerre des gangs qui sévit à Cité-Soleil ont été expulsés dans la nuit de 17 et 18 novembre par des agents de l’ordre. Si certains groupes ont été réhabilités, ces déplacés témoignent avoir été abandonnés dans la rue. « La plupart d’entre nous avait trouvé refuge devant le siège de Sogener» témoigne l’un des témoins des faits qui ajoute que des policiers étaient venus leur demander de vider les lieux. « Nous ne pouvions pas rester devant le bâtiment de Dimitri Vorbe», poursuit celui qui dit avoir vécu les scènes. «Dans la même soirée, un groupe d’agents de sécurité de Sogener nous a fait la même remarque » ajoute-il. Une interdiction qui a annoncé le début d’un long périple fracassé par les déplacés.

« Nous avons vu de toutes les couleurs, déplacant d’un lieu à un autre » témoignent les deux hommes, qui voient en l’espace du centre d’accueil un oasis en plein désert.

La foule s’était ensuite massée devant la Brana, où les pressions ont été fulgurantes, à en croire les témoins « nous avons subi d’énormes pressions là-bas, des policiers ont même lancé des grenades lacrymogènes sur les déplacés » nous confie le binôme, pointant du doigt la mairie de Tabarre dans leur sort. Un peu plus tôt, la mairie avait promis des subventions de réhébergement.  « La mairie nous a promis entre 50 à 75 milles gourdes par famille, pourtant certaines familles ont trouvé entre 2, 3 ou 5 milles » déclare-t-il.

Je n’ai rien à dire à ce sujet

Pour éclaircir le sujet, la mairesse n’a pas répondu à nos appels. Rencontrée par l’un de nos reporter, elle a déclaré : « Je n’ai rien à dire à ce sujet ».

Wilfritz Joseph, surnommé « pastè » au centre d’accueil, nous confie avoir pris la route vers les ruines du centre d’accueil de delmas 3, laissant ainsi les autres déplacés au rond-point 3 Mains et de la Passerelle BRANA. 

Un quotidien infernal dans les ruines du Centre d’accueil 

Situé à proximité de l’Entreprise Publique de Promotion de Logements Sociaux (EPPLS), 

le centre d’accueil de Delmas 3, en ruine depuis plusieurs années, abrite des dizaines de jeunes de la rue délaissés par les autorités étatiques. Ils sont désormais le personnel administratif et les subordonnés, constituant leur propre comité de gestion. 

En clair, c’est une double négligence que doivent assumer les autorités étatiques. Les  jeunes cohabitent avec les déplacés internes, expulsés de la place Hugo Chavez.

À l’entrée, le sol dégradé devant la barrière ne laisse aucun doute qu’à l’état défaillant des lieux. Des salles qui d’habitude sont  truffées de matières fécales, accueillent désormais des hommes, femmes, enfants et vieillards. Un oasis en béton qui sert pour le mieux à parer les coups de soleil et de pluie.

La situation macabre des ces déplacés, non loin de l’institution de l’État pour la promotion des logements sociaux, échappe encore à l’attention des autorités. Wilfritz affirme que les instances de soutien ne sont pas encore mobilisés : « à la place publique Hugo Chavez nous étions soutenus par le PAM, OIM ainsi que des services de clinique mobile. Ici, aucune instance ne nous a rejoint » se plaint-il, de la faim qui frappe les déplacés. Le phénomène grossit à mesure que l’insécurité s’étend dans la capitale.

L’insécurité, une machine à production croissante de déplacés internes

Les déplacés internes grossissent à mesure que l’insécurité gagne du terrain. Près de la quasi-totalité de la capitale est contrôlée par des groupes armés. Leur guerre des gangs devient une machine à production de déplacés internes. Bas-delmas, Croix-des-bouquet, Martissant ou Cité-Soleil, le nombre de déplacés avoisine plusieurs milliers. 

Face aux interminables complaintes de déplacés, l’organisation internationale de migration (OIM) semble être à l’écoute. Elle fournit de l’assistance humanitaire à près d’un millier de personnes bénéficiant notamment de subventions annuelles pour la location d’un logement, kits d’hygiènes, prise en charge médicale et psychosociale. 

Le 22 février 2023, OIM a décrit dans un rapport les conditions sécuritaires dans la Zone Métropolitaine de Port-au-Prince comme « problématiques ». L’organisation a précisé que les séries d’attaques armées à Port-au-Prince ont provoqué le déplacement de près de 2 000 personnes, seulement pour le mois  janvier. 

L’organisation a précisé dans son rapport avoir multiplié ses interventions en se focalisant sur les activités de protection intégrée aux profits des sites accessibles, surtout les déplacés regroupés dans les parages du rond-point 3 Mains et de la Passerelle BRANA. Il s’agit là, de quelques rescapés de l’expulsion du 17 novembre 2022 du site Hugo Chavez. 

Les témoignages fusent de partout au Centre d’accueil « J’ai perdu mon garçon de 26 ans le 11 juillet 2022, à Cité Soleil. Il était un motard, il a été abattu » se plaint l’un des hommes au Centre. Une sexagénaire  témoigne avoir perdu sa mère dans les affrontements à Cité-Soleil, puis son fils de 23 ans en décembre 2021, raison qui l’a poussé à fuir le quartier.

La violence à Cité Soleil est telle, qu’entre le 8 juillet et 31 décembre 2022, seulement dans le quartier de Brooklyn, 263 personnes ont été tuées, 285 blessés et 4 autres disparues, d’après le Haut Commissaire Nations unies pour les droits humains, Volker Turk, lors de sa visite en Haïti entre le 8 et 10 février 2023. Ces violences qui touchent entre autres la plus grande bidonville du pays et le reste de la capitale favorisent la détérioration des conditions de vie de ces milliers d’hommes, femmes,  enfants et vieux dénichés de leur quartier.

Crédit Photo : Adriana Zehbrauskas/ The New York Times