Bénito Moreau. Un nom qui flotte, presque imperceptible, comme une brise légère qui effleure l’âme et qui pourtant s’y ancre. Derrière cette humanité, que reste-t-il de lui ? Quelques vers, des amis, des leçons de culture littéraire, des critiques fulgurantes, une flamme pour Hugo, Sade, Boileau… des pas de danse vaudou, et cette quête de vérité insatiable qui déstabilise, qui bouscule sans qu’on sache toujours quoi en faire. Il n’était pas de ceux qui cherchent la lumière, mais ceux qui, par leur discrétion, parviennent à la diffuser. Telle une lampe allumée dans l’ombre d’un coin de pièce, imperceptible mais éclatante de justesse.
Moreau ne portait pas son savoir comme un étendard, il ne cherchait pas à se faire voir. Il était dans le repli de la lumière, dans la simplicité d’un geste, d’un mot chuchoté qui nous ébranle sans bruit. À la bibliothèque Aux Trois Dumas, il m’a guidé vers ces vieux auteurs, ces oubliés d’aujourd’hui : du Bellay, de Viau, Ronsard…Il nous parlait d’eux comme des voisins proches. Comme si leurs noms avaient une chaleur particulière qu’il ne voulait pas laisser refroidir. Et dans cette tendresse qu’il leur portait, il y avait la certitude d’un homme enraciné dans une culture profonde, presque insondable, mais d’une beauté dérangeante, qui fait écho longtemps après.
Moreau avait une voix. Une voix discrète, pas de rugissements ou de clameurs, mais une voix qui s’inscrivait dans le paysage de la poésie jacmelienne avec une force tranquille. Pas aussi tonitruante que celles de Roussan Camille ou de Jean Métellus, mais néanmoins présente, ancrée. Lui, il n’était pas de ceux qui cherchent à briller. Non, il était là, à l’écart peut-être, mais solide dans son humble silence. Il avait cette humilité de ceux qui, sans fracas, construisent des œuvres essentielles, sans fioritures mais d’une importance capitale.
Sa disparition, survenue le 24 janvier, a frappé comme un coup de tonnerre, aussi soudain qu’inattendu, une pluie torrentielle en plein cœur de la saison sèche. Mais elle n’a pas effacé sa présence. Elle l’a simplement cristallisée dans une vérité intemporelle : ceux qui vivent, ceux qui écrivent, laissent une empreinte que le temps ne saurait effacer.
Le 2 février, sous l’initiative de Joël Pierre, ses amis, sa famille, se sont retrouvés à FOSAJ pour lui rendre hommage. Un hommage modeste, comme lui. Pas de cérémonie grandiose, juste des mots, des vers qui tournaient en écho, des témoignages sincères, et des silences lourds de ce qui demeure inexprimé, mais que chacun sentait profondément.
C’est peut-être ça, la mort. Elle emporte, c’est vrai, mais elle laisse aussi. Moreau n’a pas légué de statues ni de monuments. Non, il nous a laissé des vers nobles, des éclats de poésie qui, doucement mais sûrement, se déposent encore dans nos vies.
Malherbe, Boileau, Gautier, Hugo…Moreau que la littérature te soit légère !