Médecins Sans Frontières (MSF) a définitivement cessé ses activités à son centre d’urgence de Turgeau, le 15 octobre 2025. Le quartier de Turgeau est en proie à des attaques armées répétées depuis plusieurs mois. Cette violence a mis en péril les patients et le personnel soignant, jusqu’à avoir entraîné une suspension temporaire en amont des opérations, en mars 2025.
« Depuis plusieurs semaines, la zone du centre de Port-au-Prince est devenue le théâtre de violences armées régulières. La reprise d’activités médicales dans cet hôpital ferait courir un trop grand risque aux patients et aux soignants.», dit Jean-Marc Biquet, Chef de Mission MSF en Haïti, dans un communiqué sur leur site. Il ajoute que le bâtiment a déjà été touché à plusieurs reprises par des balles perdues, en raison de sa localisation proche des zones de combat.
Des hôpitaux contraints de fermer ou de fonctionner au ralenti
Préalablement, Mumuza Muhindo Musubaho, Directeur de projets MSF en Haïti, avait déjà abordé le sujet de l’insécurité qui sévit dans le pays et ses conséquences sur la population. « Ce contexte délétère nourrit un profond sentiment d’abandon chez les haïtiens et les haïtiennes. Et, il faut le dire, la terrible diminution d’offre de soins -véritable crise dans la crise – engendre également, chez les quelques organisations humanitaires et médicales, l’impression d’être dépassées par des besoins toujours plus pressants », peut-on lire sur le site à la date du 6 octobre 2025.
Entre janvier et juin 2025, les équipes de MSF ont pris en charge 13 300 patients aux urgences, soigné 2 600 victimes de violences sexuelles et traité 2 267 victimes de violences, dont 26 % sont des enfants de moins de 15 ans, souvent blessés par balles. Des chiffres extravagants qui témoignent de l’intensité des drames qui sont le quotidien du peuple haïtien.
À Port-au-Prince, l’insécurité galopante contraint les hôpitaux à fermer leurs portes ou à travailler à capacité réduite. Cette situation plonge la population dans une crise sanitaire alarmante. L’accès aux soins de santé devient de plus en plus difficile, dans un contexte où le peuple haïtien en a le plus besoin. Le Centre d’Urgence de Turgeau vient grossir une liste déjà existante d’hôpitaux affectés, d’une manière ou d’une autre, par la montée exponentielle de l’insécurité dans la capitale.

Le cas de l’Hôpital Bernard Mevs
L’Hôpital Bernard Mevs, spécialisé dans les traumatismes, a lui aussi été victime d’attaques armées en décembre 2024. Les salles d’opération et les laboratoires ont été partiellement endommagés par des incendies. En conséquence, certaines activités médicales ont été suspendues, et la capacité à accueillir des patients gravement blessés a été limitée, comme l’a rapporté Reuters le 28 décembre 2024.
Le cas de « l’Hôpital Général »
L’Hôpital Universitaire de l’État d’Haïti (HUEH), plus connu sous le nom d’Hôpital Général, principal établissement public du pays, a temporairement fermé ses portes en avril 2024 en raison de la violence des gangs, selon un rapport de la PAHO/OPS (Organisation panaméricaine de la santé/Pan American Health Organization) publié en mai 2024. L’insécurité a également rendu difficile l’acheminement du matériel médical essentiel, compliquant encore davantage l’accès aux soins pour de nombreux patients.
Afin d’assurer une continuité des services, un protocole d’accord a été signé le 24 septembre 2025 entre le MSPP (Ministère de la Santé Publique et de la Population) et le MEF (Ministère de l’Économie et des Finances).
Des fonds ont été débloqués pour relocaliser l’hôpital. Il est annoncé via le site officiel du MSPP que l’hôpital n’est pas encore opérationnel et aucune date de réouverture n’est fixée. Une tentative de réouverture en décembre 2024 s’étant soldée par des événements malheureux.
D’après un rapport de l’OPS/PAHO d’avril 2025, 43% des institutions sanitaires sont toujours non fonctionnelles, 41% d’entre elles sont fonctionnelles et 16% sont partiellement fonctionnelles dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Face à cette crise, le plan stratégique 2025-2029 du MSPP vise à renforcer le système de santé public et à améliorer l’accès aux soins malgré les défis sécuritaires.
Le cas du HUM
En dehors de la capitale, l’Hôpital Universitaire de Mirebalais (HUM) a dû suspendre certains services en avril 2025, après avoir été victime des attaques de groupes armés. L’admission de nouveaux patients qui nécessitent des soins spécialisés a été limitée.
Ce ralentissement de ses activités a entraîné l’évacuation de patients et de personnel vers d’autres centres de santé. Ce qui aggrave la crise sanitaire déjà présente dans le pays.
L’HUM est reconnu pour la qualité de ses soins, son alimentation en énergie solaire et son rôle central dans la formation médicale. Quoique n’étant pas dans la capitale, il fait partie des plus importants hôpitaux dans le pays.
Le cas de l’Hôpital Communautaire de Bon-Repos
L’Hôpital Communautaire de Bon Repos a été pillé au début de l’année 2024 avant d’avoir été complètement détruit par des groupes armés au cours de la même année. Inauguré le 5 mai 2014, sous la présidence de Michel Martelly, cet hôpital a été le premier des trois Hôpitaux Communautaires de Référence (HCR) construits grâce à la coopération tripartite Brésil-Cuba-Haïti. Pendant près de dix ans, il a desservi de nombreuses personnes, notamment les habitants de la Plaine du Cul-de-sac.
Un système sanitaire en crise
Entre janvier et juin 2025, 60 à 80 % des structures de santé de Port-au-Prince sont fermées ou partiellement fonctionnelles, d’après MSF. Les ambulances peinent à circuler et le personnel médical est souvent bloqué.
Face à cette situation, plusieurs organisations internationales, dont l’OPS/PAHO, l’UNICEF et l’OMS, ont lancé des appels pour protéger les hôpitaux, le personnel médical et les patients, en particulier les femmes et les enfants. Elles soutiennent les efforts pour maintenir les services essentiels en dépit de tout.
La violence des gangs dans la capitale n’a pas de limite. Elle bloque l’accès aux hôpitaux, empêche le transport de matériel médical vital. La fermeture du Centre d’Urgence de Turgeau et les perturbations dans les autres établissements illustrent une crise sanitaire majeure, où tout un peuple lutte chaque jour pour recevoir des soins vitaux.





