À vous qui aimez souiller les parfums, j’imagine que votre chambre est une mise en odeur pour attirer l’âge des fleurs. Alors écoutez : faire l’amour, d’après ce que m’a toujours dit Man Loya et ce que la vie de couple m’a appris jusqu’ici, ne consiste jamais à faner l’amitié d’un parfum. Non. L’amour n’est pas la négation libre du monde et du corps. Mais une prise de parole consentante entre printemps et tendresse. 

De la rue de Cimetière à Labidou, de Labidou jusqu’au cœur des jeunes filles, vous vous baladez librement comme ça, à la Badio. Au gré des boulevards et des nuages. Vous vous vantez d’avoir la justice du vent de votre côté. Ainsi vous buvez le murmure révélateur au cœur des branches et des plaintes, déposées devant les postes de police.

Par votre faute, cette jeune femme, qui n’a plus son parfum secret, n’ira plus jamais à la mer. Les vagues lui rappellent trop votre flux et reflux sauvage. En chaque visage, elle aperçoit le vôtre. Et l’ombre souriante qui n’a rien dit, derrière la porte. L’ombre qui vous regardait faire, par le trou de la serrure, tout ce qui maltraite le mot « amour » dans le dictionnaire des hommes.

Parce que je me pose aussi la question sur le bourreau, j’ai longtemps cherché au cœur de « TRISTE TIGRE » les attributs qui pourraient vous nommer. Vous dévoiler aux choses et aux hommes de votre espèce. J’espère sincèrement qu’une autre lectrice inquiète, pour sa ville et le parfum des autres, saura vous appeler par votre nom.

Libérez Jacmel de votre chambre intégriste…

En attendant, au nom de l’amitié que les mots m’ont confiée en poésie, j’écris cette lettre non pas à vous, jeune homme, mais à cette ombre en pantalon court. Celle qui est restée derrière votre porte. Celle qui savourait l’étreinte des corps ou le supplice d’un parfum jeune. Complice du sang, je vous dis donc ceci mademoiselle : peu importe le temps que cela prendra, un ciel de cris ne sera jamais bleu par silence.

Ar Guens Jean Mary