Dans cette tribune, Mc Garcia R. Elien, grand amateur de football, partage son point de vue sur l’évolution tactique du football et le déclin du poste du numéro 10.

Si le football au début du XXIe siècle a été beaucoup plus lent, celui d’aujourd’hui va plus vite et présente un caractère à la fois souple et intense. Ce changement de rythme s’est orchestré dans le sillage d’un ensemble d’évolutions que connaît le football depuis un certain nombre d’années. L’une des marques évolutives les plus palpables est le déclin du poste de meneur de jeu axial, communément appelé “mesapunta” ou tout simplement le poste de numéro 10. Or, on n’est pas sans savoir le rôle que jouait celui-ci durant les premiers moments de l’histoire du football et tout près de nous, au début du XXIe siècle. Ce poste a été le pilier sur lequel repose la magie de ce sport combien regardé à travers le monde. 

« [Le football d’aujourd’hui] a pris un autre rythme, un rythme beaucoup plus rapide, plus physique. La figure du numéro 10 a presque disparu, parce qu’on a maintenant des défenseurs centraux qui n’ont pas peur quand ils ont face à eux un joueur technique » – Thiago Alcantara 

Toutefois, aussi paradoxal que cela puisse paraître, à un moment où le football devient de plus en plus souple, le poste du numéro 10 s’apprête à disparaître. Nombreux sont les acteurs et observateurs du foot qui déplorent publiquement le caractère trop intense du football de nos jours. Car, pour eux, le climat de plus en plus intense du jeu a pour conséquence la suppression de son côté esthétique. C’est en sens que Thiago Alcantara, lors d’un entretien accordé à l’Équipe, a abordé la question du changement de rythme dans le football ainsi que l’attitude des défenseurs centraux vis-à-vis du numéro 10.

Plus loin, le milieu offensif des Reds de Liverpool continue pour évoquer l’adaptation de ces joueurs ayant un caractéristique similaire à lui. Il affirme que : « ce que nous devons faire, nous les joueurs qui ne sommes pas très rapides avec les pieds, c’est être plus rapide avec notre tête. »

À en croire l’ancien pensionnaire du FC Barcelone et du Bayern de Munich, il y a une certaine relation entre le changement de rythme et la disparition du poste de meneur de jeu axial. Reste à savoir maintenant comment et pourquoi ce changement de rythme parvient-il à influencer le processus de la disparition du poste en question. 

En vue de répondre à cette préoccupation, on va surtout essayer d’amasser les quelques bribes d’évolutions que connaît le football durant les deux dernières décennies avant de faire un état des lieux de sa configuration actuelle. Pour se faire, on abordera entre autres, le règne des schémas à trois attaquants ou encore le poids des attaquants de couloirs (ailiers) dans le football d’aujourd’hui, la quasi disparition du poste de demi-aile, l’émergence du poste de milieu relayeur (8) et enfin la place du numéro 10 dans le football à l’heure actuelle.

La prépondérance du système à trois (3) attaquants

En effet, le triomphe du schéma à trois attaquants fait partie des innombrables changements qui s’opèrent au sein du football et qui sont à la base de sa présente configuration.  Aujourd’hui, il n’y a quasiment aucun doute sur le fait que le football est nettement dominé par les attaquants de couloir. Si ces derniers n’étaient pas toujours au sommet du football, le début de leur règne semble remonter des années 2003 et 2004, avec surtout le fameux 4-3-3 implémenté par Frank Rijkaard en vue de relancer le FC Barcelone sur la scène européenne. Depuis lors, ce schéma tactique devient de plus en plus à la mode. On est passé désormais du règne des schémas où le nombre des attaquants n’excède pas deux (2) à un autre qui en contient trois (3). 

Il est à signaler que dans le schéma avec deux (2) attaquants, les avants-centres étaient pour la grande majorité des “sérials buteurs” dont leur mission se résume au simple fait de propulser le ballon au fond des filets. C’est pourquoi, ils évoluent tous dans l’axe du terrain, donc en face du but. 

Par contre, avec l’éclosion du schéma à trois attaquants, il va y avoir une certaine reconfiguration dans leurs positionnements. Car, afin de garder un minimum d’équilibre au jeu, les techniciens ont dû opter pour la maintenance de l’un des trois attaquants dans l’axe de la surface rectangle et les deux autres sont décalés sur les côtés. Comme conséquence, le poste de demi d’aile devient, ne serait-ce que partiellement, désuet. On le remplace fort souvent par des pistons (dans les schémas à trois défenseurs) ou encore en sollicitant aux milieux centraux d’autres compétences qu’exige leur rôle initial. 

Par ailleurs, la quasi-disparition du poste de demi-aile aurait eu un impact assez considérable sur la structure même du football. Le dur labeur sur la ligne de touche reste un casse-tête aux techniciens qui, pourtant, ne veulent plus se passer des loyaux services rendus par les nouveaux bénéficiaires des couloirs (les ailiers). 

Les milieux relayeurs : la nouvelle donne…

Par rapport aux manques à gagner dans la phase défensive du jeu, les entraîneurs sont contraints de remanier la configuration du milieu. C’est ainsi que le milieu relayeur devient la nouvelle donne. Notons que celui-ci n’est pas nouveau. On a l’habitude de le rencontrer dans les 4-4-2 de forme losange, où les équipes jouent avec un médian défensif axial, deux milieux relayeurs et un numéro 10. Dans ce système, ils remplissent les fonctions des demi-ailes tout en laissant l’initiative du jeu au meneur de jeu axial. 

Cependant, dans les schémas à trois attaquants, outre la défense du couloir (dans les 4-4-2 en losange), les milieux relayeurs ont également pour tâche la construction du jeu. Car, avec la présence des trois attaquants, le numéro 10 sera repositionné soit comme attaquant de couloir soit comme milieu relayeur (dépendamment de son profil). De là, le poste de milieu relayeur devient la pierre angulaire pour la mise en place du tout nouveau schéma (4-3-3) avec la régularisation du symbole de la lettre V au milieu du terrain. 

De plus, le milieu relayeur parvient à symboliser le football dans ses différents aspects. Il alterne à tour de rôle les qualités offensives et défensives ce qui lui permet de participer dans les deux principales phases du football : attaque et défense. Ajout à cela, il est chargé d’assurer l’équilibre et la temporisation nécessaire à chaque moment de l’évolution du jeu. Par conséquent, le poste de milieu relayeur représente le pilier sur lequel repose le football de nos jours. Un football de plus en plus intense avec une vitesse d’exécution au-dessus de la moyenne. 

Le poste du numéro 10 s’estompe…

En somme, les nombreuses évolutions du football tout au long du XXIe siècle ont pour principale conséquence la transformation de son caractère plutôt lent en un jeu beaucoup plus intense. Ainsi, à l’entremise de ce changement de caractéristique, on a pu constater la disparition progressive du poste de numéro 10. 

Avec la nouvelle configuration du football, les joueurs qui revêtent le profil studieux et lent (mais dotés d’une vision assez extraordinaire du jeu) que représente le numéro 10 n’auront pratiquement plus le temps nécessaire à l’exécution de leurs recettes magiques. D’ailleurs, comme Thiago l’a si bien signalé, il est une obligation impérieuse pour eux (en parlant des numéros 10) de s’adapter sous peine de se faire exclus définitivement du football.