Des membres de la population de Jacmel partagent des avis mitigés sur les services de distribution de l’eau par la Direction Nationale d’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA). Ces témoignages sont recueillis plus d’une semaine après le lancement des travaux pour l’amélioration du SAEP de la commune par la DINEPA, le 3 octobre 2025.
Ils mettent en avant une forte irrégularité et inégalité dans l’approvisionnement en eau, des défaillances ayant diverses retombées sur le quotidien des citoyens.
Lancement officiel des travaux de renforcement, de réhabilitation et d’extension du SAEP de Jacmel par la DINEPA
Le lancement des travaux de renforcement, de réhabilitation et d’extension du Système d’Alimentation en Eau Potable (SAEP) de Jacmel par la DINEPA a eu lieu le 3 octobre dernier, lors d’une séance officielle au Bureau Administratif du Centre Technique d’Exploitation (CTE) de la commune.
D’après les informations communiquées par la DINEPA sur son compte Facebook, ces travaux interviennent dans un cadre de renforcement de la qualité des services offerts à la population ainsi que de l’efficacité des structures régionales et locales de la Direction Nationale d’Eau Potable et de l’Assainissement.
Lors de la conférence de presse donnée dans le cadre du lancement des travaux, le Directeur Général de la DINEPA, l’Ingénieur Théophil Ostinvil, a déclaré prioriser l’accès des citoyens de Jacmel à l’eau : « Nous ne sommes pas ici pour lancer des projets ou faire des promesses, nous sommes ici pour commencer les travaux qui fourniront de l’eau à Jacmel ».
C’est exactement ce que veulent certains habitants : un accès aux services de l’institution pour lesquels ils paient un abonnement. Malheureusement, ils sont nombreux à ne pas pouvoir en jouir pleinement.
Si les objectifs de ce projet en cours cochent des cases importantes dans la liste des besoins en eau de la population jacmélienne, des abonnés se sentent ignorés en dépit de leurs doléances.
Insatisfaction et scepticisme de la population
« L’eau ne coule plus à l’intérieur des maisons depuis juin 2022, nous recevons l’eau des canalisations de la DINEPA dans les rues », rapporte Makinista, étudiante en Histoire et Géographie à l’Université Publique du Sud-Est, à Jacmel. Elle vit à Démontreuil depuis quelques années et s’est confiée sur ses expériences en tant qu’abonnée de la DINEPA, ainsi que ce qu’elle attend du projet en cours de l’institution dans la ville de Jacmel.
« Nous signalons souvent aux responsables de l’entretien que l’eau ne coule pas à l’intérieur de nos maisons, mais rien n’a changé », déplore l’étudiante de l’UPSEJ qui s’est également plainte de la fréquence à laquelle l’eau arrive dans les robinets, soit tous les 22 jours. “C’est trop long”, affirme-t-elle.

Selon Eliscar Philippe, Directeur de l’OREPA Sud, les travaux auraient dû débuter en mars 2025, mais ont été retardés par la commande de matériaux. Jacky, un chauffeur de taxi résidant à Démontreuil, est sceptique quant à la réalisation de ce projet : « J’attends pour voir, car souvent il y a des projets qui sont lancés qui ne décollent pas, je connais très bien nos dirigeants ».
Conséquences de l’irrégularité dans la distribution de l’eau et l’inégalité entre les zones
Ayant pour objectif l’amélioration des services mis à la disposition de la population, cette initiative permet par ailleurs d’entrevoir l’impact de ces services sur les Jacméliens et la manière dont ils sont affectés par le mode de distribution de l’eau dans la ville.
Asmathe, esthéticienne résidant à Monchil 1, commente ainsi les effets des longues périodes sans eau de la DINEPA : « Lorsque la DINEPA fournit de l’eau, les abonnés revendent les gallons à 5 ou 6 pour 50 gourdes. Sinon, ils achètent des camions-citernes et revendent le gallon à 25 gourdes. »

Le projet de réhabilitation parle parallèlement à certains usagers qui considèrent les tuyaux endommagés comme l’un des problèmes les plus fréquents chez eux.
« Il y a des tuyaux qui sont cassés depuis longtemps, et souvent c’est quand le couloir commence à se remplir d’eau que l’on se rend compte que l’eau de DINEPA est disponible.», annonce de son côté David, un professeurd’Anglais qui habite la localité de Zoranje avec sa femme et ses deux enfants.
« Comme l’eau n’est pas facilement disponible, nous utilisons généralement l’eau du canal pour la lessive et passer la serpillière, mais je ne la trouve pas assez propre pour se baigner », ajoute-t-il.
Peter, un jeune guitariste récemment arrivé de Labidou, remarque quant à lui des différences significatives dans la fréquence de la distribution d’eau selon les zones. « Au bas de la ville, l’eau est distribuée moins souvent, et nous devons attendre des semaines. Dans certaines zones, cependant, l’eau est parfois disponible. Ce serait idéal que ce soit le cas pour tout le monde », précise-t-il.
Ainsi, entre irrégularité, inégalité et des alternatives pas trop commodes à l’eau fournie par la Direction Nationale d’Eau Potable et de l’Assainissement, certains habitants de Jacmel expriment leur mécontentement.
Attentes de la population
Tout comme les préoccupations, les attentes par rapport à l’initiative prise par la DINEPA diffèrent d’une personne à une autre. Ainsi aborde Makinista le sujet de la pression de l’eau : “J’aimerais que l’eau vienne assez fort pour se déverser dans les tuyaux à l’intérieur des maisons”.
L’enseignant souhaite que les responsables partagent les progrès des travaux avec le public. Il pense aussi que la réalisation du projet bénéficierait à ses plantes : “Quand l’eau coule à l’intérieur, c’est très bénéfique pour les plantes que j’ai dans ma cour.”
De son côté, Asmathe souhaite que l’eau soit distribuée de manière régulière et sur de plus courte durée afin que les prix soient plus abordables pour ceux qui ne sont pas des abonnés de la Direction Nationale d’Eau Potable et de l’Assainissement.
Le projet prévoit la réalisation de 1900 nouveaux branchements, l’esthéticienne dit espérer pouvoir en profiter pour devenir elle aussi une abonnée de la DINEPA.
En attendant l’évolution des travaux, les citoyens de la commune de Jacmel ont les yeux rivés sur l’institution. Laquelle a le devoir d’écouter ses usagers afin de leur offrir un meilleur accès à l’eau potable.