Il parait normal pour une femme qui a ses règles de ne pas trouver de serviettes hygiéniques dans une institution pour se changer. Imagine maintenant avoir la diarrhée, d’aller aux toilettes d’une grande institution, de faire ses besoins et de ne pas trouver de papier après…c’est révoltant n’est-ce pas ? Le premier cas n’est pourtant pas moins grave.
Entre l’éducation sexuelle quasi inexistante, la honte résultant des tabous et le non-accès aux produits hygiéniques nécessaires, avoir ses règles en Haïti, peut s’avérer être un véritable enfer.
En finir avec la honte
C’est un fait : la menstruation est vécue comme une période de honte et de malaise chez un grand nombre de femmes et en parler n’est pas encouragé. « J’ai un rhume », cela se dit, mais « j’ai mes règles » c’est tout autre chose. D’où des expressions plus imagées pour l’évoquer comme : « maladi fanm », « peryòd », « tèt titit kase », « les anglais ont débarqué ». On exprime donc une peur de parler « des règles ».
Aussi, acquérir les produits hygiéniques peut être tout aussi gênant en certaines occasions et en certains lieux. Beaucoup de femmes ont la tendance à se mettre à l’écart durant ces jours de sain fonctionnement physiologique. Ce qui conduit à des comportements tels que : cacher ses serviettes, demander à une amie de vérifier si tout va bien ou de regarder après soi comme un tic. La honte des règles est réelle. En ce sens, on peut faire mention des considérations de l’auteure Hélène Deutsch dans la Psychologie des femmes qui montre que la menstruation a été et reste encore associée à des idées d’horreur, de danger, de péché et de honte. Il est intéressant aussi de comprendre que des qualificatifs de sorcières sont attribuées aux femmes pendant leur menstruation. Dans certaines zones en Haïti, les femmes, durant leurs règles, ne peuvent s’introduire dans les champs agricoles par peur de détruire les récoltes.
Combattre cette honte des menstruations passera nécessairement par l’éducation sexuelle, informant sur le fonctionnement du corps de la femme tout en normalisant le « sang menstruel ». Les petites filles doivent savoir qu’elles ne doivent pas avoir honte de leur menstruation et que c’est une étape importante pour la reproduction et la survie de l’espèce. Par conséquent, normale et vitale. Autant que le sperme est perçu de manière positive, le sang menstruel doit être symbole de vie et non de péché ou de honte.
Avoir ses règles, ce n’est pas intime
Si les règles sont un phénomène naturel propre aux femmes, elles nécessitent néanmoins une prise en charge publique à plusieurs niveaux. Une mauvaise hygiène menstruelle, particulièrement chez les femmes les plus vulnérables, peut entrainer de graves conséquences physiques et psychologiques.
Ces femmes innombrables doivent presque toujours choisir entre les dépenses du repas et celles liées aux exigences de l’hygiène menstruelle. Certaines femmes n’ont pas accès aux produits et besoins hygiéniques liés à la menstruation, soit parce qu’elles sont déjà en précarité économique ou ces produits ne sont pas disponibles. Nous pensons ici aux femmes incarcérées dans les prisons malsaines d’Haïti ou celles vivant dans des zones reculées. Bien que les dernières aient parfois d’autres moyens plus traditionnels, le mieux serait qu’elles aient plusieurs choix et les services hygiéniques à proximité.
La menstruation n’est jamais inscrite dans un projet politique de santé publique. Les services hygiéniques menstruels de base sont donc pour les femmes en situation de précarité un luxe nécessaire. Pouvoir répondre aux besoins menstruels d’une femme est un besoin physiologique d’une importance à grande incidence sur son accès à l’éducation, au travail et à la sphère publique en général. Sortir la menstruation de la sphère privée exige des actions des gouvernants garants du bien-être des citoyens.ennes comme :
– La mobilisation des ressources (humaines, matérielles et techniques) dans le cadre de projets de sensibilisation et d’éducation autour de la menstruation.
– Le contrôle sur les produits liés à l’hygiène menstruelle.
– La fixation des prix et la subvention des produits d’hygiène menstruelle afin de permettre l’accès aux femmes vulnérables. Cela implique aussi l’existence des produits gratuits dans les institutions publiques et privées, et des soins pour la prévention et la gestion médicale de l’endométriose.
Le rôle de l’État va encore plus loin puisqu’il est de son devoir d’assurer la prise et l’application des lois pouvant permettre l’intégration réelle et l’épanouissement des femmes sur les lieux de travail. La considération des besoins liés aux menstruations contribue grandement à l’égalité, l’équité et la solidarité entre les hommes et les femmes. Pouvoir gérer véritablement sa période menstruelle sans trop se tracasser est une obligation de l’ordre de la dignité humaine.
Entre jugements exagérés et douleurs physiques minimisées
Il est en effet grand temps de nous concentrer sur les douleurs physiques et les malaises liés à la menstruation que de nous fixer sur les changements d’humeur. Les règles sont porteuses d’hystérie, d’humeurs changeantes, de crises de colère et d’irrationalité. Et voilà, tout le monde le dit et s’y attache comme un parasite. Non seulement ces propos sont exagérés, même si les femmes finissent elles-mêmes par y croire, mais les règles causent aussi chez les femmes des crampes, des douleurs physiques, de la diarrhée, du vertige, du vomissement et parfois tout simplement, un malaise. Une élève en colère pendant sa période d’ovulation serait-elle plus problématique que celle absente en salle de classe à chaque période menstruelle ?
Une femme durant sa menstruation ne se sent pas bien dans son corps ce qui implique un changement quasi automatique de ses habitudes. Si avancer jusqu’au congé menstruel possible pour toutes les femmes serait un pas énorme, il faut aussi clamer avec insistance que les troubles liés à la menstruation, n’empêchent pas aux femmes d’être rationnelles dans la prise de décisions importantes au moment de leurs règles ou ovulation.
Le débat sur le congé menstruel est important puisqu’il permet de nous concentrer sur les symptômes physiques de la menstruation. Le congé menstruel est un gage de l’épanouissement et du bien-être de la femme dans les espaces publics. Et bien entendu, il doit être accompagné d’autres prises en charge comme l’éducation sexuelle et les luttes contre l’endométriose. Le congé menstruel, loin de normaliser les douleurs physiques, devra tout simplement permettre aux concernées de mieux vivre les changements qu’impose ce cycle naturel, période qui est vécue de manière unique chez chaque femme. Il nous faut donc prendre en compte ces multiples réalités dans nos mécanismes d’intégration de la femme.